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Débats théoriques sur la neutralité de la monnaie :

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- Quelle place occupe la monnaie dans le fonctionnement de l’économie ?
- La monnaie a-t-elle une influence sur les grandes variables macro-économiques ?
- La monnaie a-t-elle réellement de l’importance ou n’est elle qu’un simple ‘‘voile’’ qui ne fait que masquer la réalité des échanges ?

Il n’y a pas une réponse unique et unifiée à cette série d’interrogations car plusieurs visions qui s’opposent :
Si pour les uns (classiques, néo-classiques, et la nouvelle économie classique), il y a une dichotomie entre économie réelle et économie monétaire, chaque sphère fonctionnant selon ses propres mécanismes sans influencer l’autre sphère.

Pour les autres (keynésiens et néo-keynésiens) la monnaie exerce au contraire des effets importants et durables sur l’économie et les variables réelles ; enfin pour une 3e école (les monétaristes) la monnaie peut avoir une influence sur les variables réelles, mais cette influence n’est que passagère, n’est que de court terme, et elle est souvent perturbatrice. Alors qu’à long terme la monnaie est totalement neutre.

A – L’approche classique et néo-classique : 

En 1568, Jean Bodin est connu par une phrase très célèbre ‘‘il n y a de richesses que d’hommes’’Il était le premier à évoquer la théorie quantitative de la monnaie en expliquant la hausse des prix en Europe par l’afflux passif des métaux précieux en provenance du nouveau monde.

Cette explication tomba dans l’oublie avec l’avènement des mercantilistes pour qui, l’afflux des métaux précieux a un effet bénéfique sur l’économie.Il a fallait attendre le 18e siècle et les classiques pour que cet explication soit remise à l’ordre du jour.

Il revient toute fois à I. Fisher le mérite de la formaliser sous forme d’une équation : M.V = P.T
M : C’est la quantité de monnaie en circulation (masse monétaire).
V : Vitesse de circulation de la monnaie : c’est le nombre de fois, où une unité monétaire est utilisée durant une période déterminée, généralement une année pour des transactions différentes. Elle est supposée être exogène par rapport aux autres variables, et dépend des évolutions dans les modes de paiement, facteurs institutionnels. Ainsi que des habitudes de règlements entre agents. C’est pourquoi elle est supposée être constante, à court terme et peu influençable par les autorités monétaires.
P: Le niveau général des prix , il s’ajuste immédiatement et automatiquement aux variations éventuelles de M ou de T : c’est la seule variable endogène de l’équation.
Or V est stable à court terme, à un niveau de transactions T donné, si M s’accroît, P s’accroît dans les mêmes proportions.
T: Le volume de transaction durant une période donnée est qui aussi une variable exogène qui dépend du niveau du revenu et donc de la production, et qui ne peut être influencé par les variables monétaires. 

Dans la théorie classique et néo-classique, le seul motif de détention de la monnaie, est le motif de transaction : la monnaie n’est jamais désirée pour elle-même, mais seulement pour ce qu’elle permet d’acquérir. Elle est un simple intermédiaire des échanges, qui n’a aucune influence sur l’économie réelle.

Elle est la ‘roue’, le ‘véhicule’, le ‘grand chemin’ qui facilitent la circulation des produits et leur consommation. Elle est utile mais pas indispensable.

En effet, plus de monnaie dans le pays, ne permettra pas de consommer davantage, pour consommer plus, il faut produire plus.

Cette vision des choses, largement partagée par l’école classique, a était systématisée par Jean Babtis Say avec sa fameuse loi des débouchés « les produits s’échangent contre les produits » parce qu’ils se servent mutuellement de débouchés.

La monnaie n’est qu’une simple commodité, les échanges ne sont monétaires que dans leur forme. Le voile monétaire ne fait donc que masquer la réalité des échanges.

Si la monnaie est neutre, une augmentation de l’offre de la monnaie ne doit pas modifier le volume de la production. Se traduisant uniquement par une augmentation générale des prix : la quantité de monnaie en circulation détermine alors les prix absolus sans influencer les prix relatifs des différentes marchandises (augmentation dans la même proportion de tous les prix absolus, alors que les prix relatifs restent les mêmes).

Exemple :

t0 - Bien A = 100 DH et Bien B = 200 DH
- Prix absolus

- 1A = 100/200 = ½ B ou 1B = 200/100 = 2A ? Prix relatifs
t1 ? Doublement de l’offre de monnaie

     Doublement des prix absolus

- 1A = 200 DH et 1B = 400 DH
- Prix absolus

- 1A = 200/400 B = ½ B et 1B = 400/200 A = 2A . Prix relatifs
C’est la fameuse théorie quantitative de la monnaie, initiée par Jean Bodin en 16 ème siècle déjà, et formalisée en 1912 par Fisher.

B – La critique keynésienne :

Contrairement à la vision classique pour qui la monnaie n’est qu’un intermédiaire neutre des échanges, que les agents ne détiendraient que pour effectuer leurs règlements ; pour Keynes la monnaie peut être demandée pour elle-même et pas seulement pour acheter d’autres biens.

Il y a une demande de monnaie pour des motifs spécifiques. En conséquence, la monnaie n’est pas neutre et joue un rôle actif dans l’économie, notamment à travers le taux d’intérêt qui est déterminé dans la sphère monétaire et qui a une incidence considérable sur l’activité économique et donc sur la sphère réelle.

a – Le motif de transaction : 

Ménages
Motif de revenu : 
Qui s’explique par le décalage dans le temps entre la perception du revenu et l’engagement des dépenses courantes.

Entreprises
Motif de financement : Encaisses nécessaires au financement des projets.
Motif professionnel : Qui s’explique à cause du décalage dans le temps entre l’engagement des dépenses nécessaires au lancement d’un cycle de production et la perception du produit des ventes des biens fabriqués.

Que se soit pour les ménages ou pour les entreprises, le montant des encaisses de transaction (encaisses d’actif) dépend de deux variables dont il est une fonction croissante :

- Le décalage dans le temps entre la perception des revenus et l’engagement des dépenses : plus le temps séparant la perception des revenus est long, plus le montant des encaisses des transactions actives doit être élevé et vice versa.
- L’importance des dépenses que l’agent économique, ménage ou entreprise, souhaite effectuer durant la période et qui est elle-même fonction croissante du revenu.


b – Motif de précaution : 

Pour les ménages : 

- Faire face à des dépenses soudaines et imprévues.
- Profiter de certaines opportunités pour réaliser des achats avantageux.
Pour les entreprises :
- Constituer des réserves ou des prévisions liquides pour faire face aux risques liés à leur activité productive.
Comme pour les encaisses de transactions, les encaisses de précautions sont aussi une fonction croissante de deux variables :
- Le temps séparant la perception des deux revenus.
- La  taille des revenus.

c – Le motif de spéculation :

Dans l’analyse classique et néo-classique, les agents économiques détiennent des encaisses liquides afin de réaliser leurs transactions ou pour un motif de précaution, et toute détention d’encaisses liquides au-delà de ces besoins, est jugée irrationnelle. Car en conservant des encaisses liquides oisives, ils supportent un coût d’opportunité égale au taux d’intérêt qui leur aura été versé s’ils avaient placé ces liquidités.

C’est pour justifier rationnellement ce type de comportement que Keynes va introduire un troisième motif appelé motif de spéculation.

Pour lui une fois le montant de l’épargne déterminé, les agents économiques opèrent un arbitrage entre la partie de l’épargne qu’ils vont conserver sous forme d’encaisse liquides (valeur nominale stables) et celle qui sera affectée à l’achat de titres (valeur nominale variable). Ce choix sera fait rationnellement en fonction du taux d’intérêt, le montant des encaisses de spéculation est une fonction décroissante du niveau du taux d’intérêt.

En effet, Keynes réduit la gestion du patrimoine à l’arbitrage entre monnaie sous forme d’encaisse liquide et actif financier et notamment les obligations à taux fixe (il exclu les actifs réels).
Lorsque les taux d’intérêt augmentent, le cours des obligations à taux fixe diminue et inversement.
t0 >> une obligation de 100 DH rapportant un coupon de 10 DH

>> ti = Coupon /Cours = 0,1  >> cours =  Coupon/ti  = 10
0,1 = 100
Hypothèse 1 : (ti) augmente :
t1 >>Les nouvelles obligations de 100 DH rapportent un coupon de 12 DH
- ti = 12 /100 = 0,12
- cours des anciennes obligations = 10/0,12 = 83,33 DH
Hypothèse 2 : (ti) diminue :
Les nouvelles obligations rapportent un coupon de 8 DH
- ti = 8/100 = 0,08
- cours des anciennes obligations = 10
0,08 = 125 DH.
Si les taux d’intérêt (ti) sont élevés :
Les agents économiques anticipent leurs baisses.

Anticipation d’une augmentation du cours des obligations.
Achat des obligations.
Baisse des encaisses de spéculation.
Et inversement si les (ti) sont bas.

C – Approche monétariste : 

Pour les monétaristes, il faut passer d’une vision de neutralité à une vision en terme de neutralisation de la monnaie. En effet, si pour la théorie quantitative de la monnaie, la variation du stock de monnaie n’agit que sur le niveau général des prix.

Pour M. Friedman, elle a une incidence forte et immédiate à court terme sur la production, le revenu et l’emploi, mais il s’agit d’effet éphémère et perturbateur, alors qu’à long terme, elle n’affecte que les prix.
Donc la monnaie est perturbatrice à court terme et inefficace à long terme (neutre). D’où, pour neutraliser ses effets perturbateurs à court terme, il faut observer une règle monétariste stricte : La masse monétaire doit progresser à un taux déterminé égal au taux de croissance à long terme de la production.



Fati Cofna

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